RAYON LIVRES

Un ciel de cendre. Éditions Albin Michel, 2008, 288 p.

Ils sont trois. Sans se connaître ils cheminent vers la même ville d'Ukraine. Ce point de non-retour qui a pour nom Tchernobyl. Vladimir, fils d'un tueur politique de Kharkov, deviendra malgré lui mafieux et criminel. Charles, petit-fils de juifs déportés, retrouvera son identité dans les sables du Sinaï. Yvan, fils de kolkhozien brutal, choisira la nature contre la violence des hommes. Enfants d'un après-guerre qui n'en finit pas, héritiers d'un monde qu'ils n'ont pas voulu, comment vont-ils pouvoir conjurer le pire ?
Maud Tabachnik s'égare sous «Un ciel de cendres» ukrainien.

Tous les chemins mènent à Tchernobyl. Même les moins crédibles.

Maud Tabachnik a enfilé les gros godillots de l'Histoire ukrainienne pour écrire Un ciel de cendres. L'Ukraine ne lui sert pas seulement de toile de fond, c'est aussi son fil conducteur pour raconter le parcours des trois protagonistes.

Des hommes aux profils pas toujours subtilement définis, à la limite de la caricature. On les découvre marmots. Un batte­ment de cils caucasiens plus tard, ils sont déjà trentenaires, un chemin de vie parcouru au pas de charge et à l'AK47.

Punition divine

Il y a l'Ukrainien pure sou­che: Vladimir. Le fils d'un com­missaire politique décoré à de multiples reprises durant l'ère soviétique. Loin des espoirs pa­ternels, il préfère endosser le costume de mafieux, accessoire­ment sicaire à ses heures per­dues. Pour réaliser finalement que le passé de son père est aussi sanglant que le sien.

Ukraine toujours avec Char­les, fils de juifs qui ont fui les pogroms. Forcément journaliste pour mieux se raconter et partir aux sources de ses origines. Un reporter baroudeur comme on n'en fait plus.

Ukraine, enfin, où termine Yvan, bûcheron contemplatif et naïf à qui toutes les polices de Russie prêtent des travers de serial killer. On croyait le cliché des forces de l'ordre fainéantes et corrompues éculé, mais non. Les trois hommes ne se con­naissent pas, deux d'entre eux se croisent à peine. Inutile de demander pourquoi, on ne saura pas où mène cette ren­contre.

Un ciel de cendres cher­che juste à guider les trois pro­tagonistes vers un événement: l'explosion du réacteur nu­méro 4 de la centrale de Tcher­nobyl en avril 1986.
Aboutissement cataclysmi­que du roman. On devine alors l'agonie des trois hommes, irra­diés. La punition est infligée, quasi divine. L'ont-ils seule­ment mérité?

Emmanuelle Drevon,  Tribune de Genève, le 7 avril 2008. 

A propos de l’auteur

Nadia Sikorsky

Nadia Sikorsky a grandi à Moscou où elle a obtenu un master de journalisme et un doctorat en histoire à l’Université d’État de Moscou. Après 13 ans passés au sein de l’Unesco, à Paris puis à Genève, et avoir exercé les fonctions de directrice de la communication à la Croix-Verte internationale fondée par Mikhaïl Gorbatchev, elle développe NashaGazeta.ch, premier quotidien russophone en ligne, lancé en 2007.

En 2022, elle s’est trouvée parmi celles et ceux qui, selon la rédaction du Temps, ont « sensiblement contribué au succès de la Suisse romande », figurant donc parmi les faiseurs d’opinion et leaders économiques, politiques, scientifiques et culturels : le Forum des 100.

Après 18 ans en charge de NashaGazeta.ch, Nadia Sikorsky a décidé de revenir à ses sources et de se concentrer sur ce qui la passionne vraiment : la culture dans toute sa diversité. Cette décision a pris la forme de ce blog culturel trilingue (russe, anglais, français) né au cœur de l’Europe – en Suisse, donc, son pays d’adoption, le pays qui se distingue par son multiculturalisme et son multilinguisme.

Nadia Sikorsky ne se présente pas comme une "voix russe", mais comme une voix d’Européenne d'origine russe (plus de 35 ans en Europe, passés 25 ans en Suisse) au bénéfice de plus de 30 ans d’expérience professionnelle dans le monde culturel – ceci au niveau international. Elle se positionne comme médiatrice culturelle entre les traditions russes et européennes ; le titre de sa chronique, "L'accent russe", capture cette essence – l’accent n’étant pas une barrière linguistique, ni un positionnement politique mais une empreinte culturelle distinctive dans le contexte européen.

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