RAYON LIVRES

Pathologies, Ed. des Syrtes, 2007

Zakhar Prilepine construit son roman autour des trois axes névralgiques de la vie du narrateur : l'amour, la guerre, l'enfance. Avec une aisance narrative sans faille, il tisse son récit de façon à laisser place à l'imagination du lecteur sans lui accorder le temps de reprendre son souffle. Malade de sa Russie malade, Prilepine nous la décrit en proie à ses démons : un pays mis à genoux par les fautes de ses dirigeants. Sans prendre position, il narre la souffrance de tout un peuple, constitué d'ethnies qui ont du mal à vivre ensemble.

Un détachement militaire russe est envoyé en Tchétchénie : le Spetsnaz, les hommes les plus expérimentés et les plus redoutables ; parmi eux, Egor Tachevski. Les combattants russes s'installent dans une école abandonnée près de Groznyï : tout un symbole pour ces jeunes dont l'âge ne dépasse pas la trentaine. Les conscrits de vingt ans, les officiers rodés, tous gèrent à leur façon la peur, l'ennui et la mort. Tous sont, un jour, mis devant l'obligation de tirer, de tuer. Commencent les opérations de « nettoyage » : devant des Tchétchènes tués et la mort des siens, Egor Tachevski, chef du groupe, a peur. Plus qu'une peur primaire de la mort, c'est une folie, une pathologie qui tourne à l'obsession.

Cette pathologie a une sœur rivale, la Jalousie. Dans le monde civil, les relations d'Egor avec Dacha, jeune femme sensuelle et peu ordinaire, ne sont plus que ruines. Le jour où Dacha confie à Egor avoir eu vingt-six amants avant lui, sa tête explose. Abandonné à la naissance par sa mère, orphelin de son père à six ans, il pensait avoir trouvé en Dacha un refuge, un point de départ et un point de retour.

Le narrateur essaie de se guérir de ces deux pathologies en se plongeant dans l'enfance, certes douloureuse, mais pleine d'espoir.

La traduction du russe de Joëlle Dublanchet a valu à cette dernière le Prix Russophonie décerné par la Fondation Eltsine le 9 février 2008 à Paris.

Zakhar Prilepine, 34 ans, est rédacteur en chef d'une édition régionale de Novaïa Gazeta, le journal d'Anna Politkovskaïa. Il a participé aux deux guerres tchétchènes (en 1996 et 1999). Pathologies, finaliste du prix russe Natsionalnyï et best-seller en 2005, est son premier roman.

Son deuxième roman, Sanka a été finaliste du Booker Prize russe en 2006 et élu meilleur livre étranger en Chine la même année. Le Péché, sera publié en août 2007. Il confirme Zakhar Prilepine comme un des auteurs les plus prometteurs de sa génération littéraire.

Figure emblématique d'une jeunesse engagée, Zakhar Prilepine participe régulièrement aux actions civiques contre le pouvoir en place.

A propos de l’auteur

Nadia Sikorsky

Nadia Sikorsky a grandi à Moscou où elle a obtenu un master de journalisme et un doctorat en histoire à l’Université d’État de Moscou. Après 13 ans passés au sein de l’Unesco, à Paris puis à Genève, et avoir exercé les fonctions de directrice de la communication à la Croix-Verte internationale fondée par Mikhaïl Gorbatchev, elle développe NashaGazeta.ch, premier quotidien russophone en ligne, lancé en 2007.

En 2022, elle s’est trouvée parmi celles et ceux qui, selon la rédaction du Temps, ont « sensiblement contribué au succès de la Suisse romande », figurant donc parmi les faiseurs d’opinion et leaders économiques, politiques, scientifiques et culturels : le Forum des 100.

Après 18 ans en charge de NashaGazeta.ch, Nadia Sikorsky a décidé de revenir à ses sources et de se concentrer sur ce qui la passionne vraiment : la culture dans toute sa diversité. Cette décision a pris la forme de ce blog culturel trilingue (russe, anglais, français) né au cœur de l’Europe – en Suisse, donc, son pays d’adoption, le pays qui se distingue par son multiculturalisme et son multilinguisme.

Nadia Sikorsky ne se présente pas comme une "voix russe", mais comme une voix d’Européenne d'origine russe (plus de 35 ans en Europe, passés 25 ans en Suisse) au bénéfice de plus de 30 ans d’expérience professionnelle dans le monde culturel – ceci au niveau international. Elle se positionne comme médiatrice culturelle entre les traditions russes et européennes ; le titre de sa chronique, "L'accent russe", capture cette essence – l’accent n’étant pas une barrière linguistique, ni un positionnement politique mais une empreinte culturelle distinctive dans le contexte européen.

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