RAYON LIVRES

Aurélia CASSIGNEUL-OJEDA: Ce rouge incandescent selon Nicolas de Staël. Ateliers Henry Dougier, octobre 2023

6 mars 1955, Nicolas de Staël ferme la porte de son atelier à Antibes, monte sur la terrasse de l’immeuble et se jette dans le vide, à quarante et un ans.

Son dernier tableau Le Concert est laissé inachevé. Le rouge est là, vibrant comme une mer où flottent les instruments. On s’y noie, on s’y perd. L’œuvre détonne, étonne par sa taille, étonnamment grande, son style, et par ce rouge incandescent qui fascine.

Pourquoi ce rouge ? Pourquoi, après l’abstrait, ce retour au figuratif ? Pourquoi un homme au sommet de sa gloire choisit-il de mettre fin à ses jours ?

Ce concert c’est celui d’Anton Webern sous la direction d’Hermann Scherchen auquel il a assisté le 5 mars au théâtre Marigny à Paris. Sur sa toile peinte en quelques jours, il couche ses impressions musicales : un piano noir planté sur la gauche, un mur de partitions esquissé et une contrebasse jaune aux traînées d’ocre tachant le rouge. Peint en deux jours, cet ultime tableau clôt deux années de fébrilité. Dans le Sud où il s’est installé l’artiste aura peint plus de deux cents tableaux, dans l’urgence, toujours.

D’un bout à l’autre de sa vie, du petit prince de Saint-Pétersbourg fuyant la violence de la révolution russe à l’artiste suspendu aux rives lumineuses de la Méditerranée, de l’orphelin au peintre fou d’amour, Staël déconcerte. Assoiffé d’absolu, tendu, toujours, vers la perfection de son art, il a vécu passionnément, désespérément, allant, venant d’un lieu à l’autre, d’une femme à l’autre, pour finir sa vie sur ce rouge chavirant. Comme un point d’orgue.

Aurélia Cassigneul-Ojeda enseigne en classes préparatoires. Elle a publié des romans et nouvelles, dont Les trois sœurs qui faisaient danser les exilés aux ateliers henry dougier.   

A propos de l’auteur

Nadia Sikorsky

Nadia Sikorsky a grandi à Moscou où elle a obtenu un master de journalisme et un doctorat en histoire à l’Université d’État de Moscou. Après 13 ans passés au sein de l’Unesco, à Paris puis à Genève, et avoir exercé les fonctions de directrice de la communication à la Croix-Verte internationale fondée par Mikhaïl Gorbatchev, elle développe NashaGazeta.ch, premier quotidien russophone en ligne, lancé en 2007.

En 2022, elle s’est trouvée parmi celles et ceux qui, selon la rédaction du Temps, ont « sensiblement contribué au succès de la Suisse romande », figurant donc parmi les faiseurs d’opinion et leaders économiques, politiques, scientifiques et culturels : le Forum des 100.

Après 18 ans en charge de NashaGazeta.ch, Nadia Sikorsky a décidé de revenir à ses sources et de se concentrer sur ce qui la passionne vraiment : la culture dans toute sa diversité. Cette décision a pris la forme de ce blog culturel trilingue (russe, anglais, français) né au cœur de l’Europe – en Suisse, donc, son pays d’adoption, le pays qui se distingue par son multiculturalisme et son multilinguisme.

Nadia Sikorsky ne se présente pas comme une "voix russe", mais comme une voix d’Européenne d'origine russe (plus de 35 ans en Europe, passés 25 ans en Suisse) au bénéfice de plus de 30 ans d’expérience professionnelle dans le monde culturel – ceci au niveau international. Elle se positionne comme médiatrice culturelle entre les traditions russes et européennes ; le titre de sa chronique, "L'accent russe", capture cette essence – l’accent n’étant pas une barrière linguistique, ni un positionnement politique mais une empreinte culturelle distinctive dans le contexte européen.

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