« Pour la galerie. Mode et portrait »

17.09.2021
Un échantillon de la collection d'Alexandre Vassiliev (Photo © N. Sikorsky)

Le Musée d’Art et d’Histoire de Genève est (en permanence sens dessus dessous depuis des années). Une récente série d’articles dans Le Temps nous invitait à découvrir les coulisses de cette prestigieuse institution genevoise. Les coulisses qui n’ont rien de l’image de sa façade majestueuse.

La nouvelle exposition au MAH a comme thème principal l’image de soi-même que les gens cherchent justement, depuis des siècles, à créer et à afficher. Tout en préservant « les coulisses » des regards indiscrets de la « galerie », c’est à dire du public, des spectateurs, de vous et de moi.

Cette exposition est fortement imprégnée d’âme russe – elle est conçue par Lada Umstätter, diplômée de l’Université de Moscou et actuelle conservatrice en cheffe du musée genevois et, est réalisée avec la collaboration d’Alexandre Vassiliev, un grand spécialiste russe de la mode, dont la collection privée compte plusieurs milliers de costumes et objets de la mode de différentes époques – du 18 siècle à nos jours. Cette collection a été lancé à Paris, où M. Vassiliev a émigré en 1982. N’en concluez pas qu’il est opposé au pouvoir russe – il anime même « Le verdict de mode », une émission très populaire de la chaîne nationale. Mais sa collection se trouve en Lituanie, au sein de l’espace européen – une petite municipalité lui ayant offert un grand espace gratuit alors que les Russes témoignaient fort peu d’intérêt à ses trésors.   

Alexandre Vassiliev présente une robe créee par Pierre Cardin pour Maïa Plissetskaïa (Photo NashaGazeta)

Peut-être moins connu en Suisse qu’en Russie, M. Vassiliev n’est pourtant pas un inconnu ici non plus – fin des années 1980 il a séjourné à Genève, en tant qu’habilleur en chef, pendant le tournage de « Mangeclous » avec Pierre Richard, puis il a travaillé en collaboration, en 1989-1991, avec le Théâtre de la Ville à Lucerne.

Quant aux expositions avec l’apport, pour ainsi dire, des costumes de sa collection, celle de Genève est sa troisième en Suisse (la septième dans le monde pendant ce mois de septembre seulement et la 226ème en tout !). La première a eu lieu à Lugano, à la Villa Favorita du baron Thyssen-Bornemisza, la deuxième – en 2016, au Musée des Beaux-Arts de La Chaux-de-Fonds qui présentait, sous la direction de Lada Umstätter également, une exposition consacrée à la vie quotidienne dans l’Union soviétique poststalinienne.

Admirez cette robe brodée en scarabées... (Photo NashaGazeta)

Le concept de l’exposition genevoise ne saurait être qualifié de novateur – les dialogues entre objets sont à la mode dans la pratique muséale depuis un bon moment. Mais, comme dans les conversations réelles, la qualité du dialogue dépend des participants. Et cette fois ils sont d’un très haut niveau : les sublimes portraits de la collection du MAH flirtent avec des  robes somptueuses (dont celles de la grande ballerine russe Maïa Plissetskaïa ou de l’étoile hollywoodienne Leslie Caron, par exemple).

Le siècle dernier encore rares étaient ceux pouvant se permettre de commander leur portrait à un peintre. Aujourd’hui tout un chacun peut s’immortaliser lui-même ou immortaliser une connaissance grâce à une photo prise avec un téléphone. Quant aux vêtements, le proverbe anglais clothes do not make a man est bien hypocrite car nous le savons tous – they do. Depuis toujours les codes vestimentaires servaient d’indicateur majeur d’appartenance à une certaine couche de la société, et la notion du « dress code » reste très actuelle aujourd’hui encore. Finalement que chacun décide pour soi sa manière de s’habiller – certains préfèrent se mélanger à la foule, d’autre font tout pour s’en distinguer.

Dans les coulisses de l'exposition se passe... une interview

Je recommande vivement cette exposition à tous ceux – et surtout celles – qui s’intéressent à la mode et à son évolution au cours des siècles, elle restera au MAH jusqu’à 24 novembre.

Commentaires (4)

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Andre6230 septembre 18, 2021

Très intéressant...merci
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A. Ln septembre 19, 2021

Magnifique collection, qui laisse pourtant quelque peu songeur. Après octobre (novembre selon l'ancien calendrier) 1917, n'était-il pas très risqué de se promener (trop) bien habillé(e) dans les rues de Pétersbourg, où l'uniforme de mise était le blouson, le colt à la ceinture et le képi à étoile rouge? Le seul fait d'avoir un col amidonné, un chapeau melon et un pardessus au bras pouvait vous valoir une balle de Browning dans le dos, relèvent les historiens. Comme les temps changent...
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Sikorsky septembre 20, 2021

Merci de votre commentaire, mais il ne s'agit pas des objets russes, au moins de loin pas que des objets russes. Et puis, il y a le mode russe avant et après 1917
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TheseFa octobre 23, 2021

Une exposition qui m’intéresserait à découvrir ! Je termine actuellement ma thèse sur la mode et le cinéma durant les années 1920 et j'ai un chapitre qui traite de l'apport des russes venus se réfugier à Paris et en France après la Révolution Russe. Leur apport à la mode parisienne a été essentiel... Un ouvrage d'Alexandre VASSILIEV, La beauté en exil, L’œuvre des émigrés russes de la première vague fait partie de ma bibliographie .
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A propos de l’auteur

Nadia Sikorsky

Nadia Sikorsky a grandi à Moscou où elle a obtenu un master de journalisme et un doctorat en histoire à l’Université d’État de Moscou. Après 13 ans passés au sein de l’Unesco, à Paris puis à Genève, et avoir exercé les fonctions de directrice de la communication à la Croix-Verte internationale fondée par Mikhaïl Gorbatchev, elle développe NashaGazeta.ch, premier quotidien russophone en ligne, lancé en 2007.

En 2022, elle s’est trouvée parmi celles et ceux qui, selon la rédaction du Temps, ont « sensiblement contribué au succès de la Suisse romande », figurant donc parmi les faiseurs d’opinion et leaders économiques, politiques, scientifiques et culturels : le Forum des 100.

Après 18 ans en charge de NashaGazeta.ch, Nadia Sikorsky a décidé de revenir à ses sources et de se concentrer sur ce qui la passionne vraiment : la culture dans toute sa diversité. Cette décision a pris la forme de ce blog culturel trilingue (russe, anglais, français) né au cœur de l’Europe – en Suisse, donc, son pays d’adoption, le pays qui se distingue par son multiculturalisme et son multilinguisme.

Nadia Sikorsky ne se présente pas comme une "voix russe", mais comme une voix d’Européenne d'origine russe (plus de 35 ans en Europe, passés 25 ans en Suisse) au bénéfice de plus de 30 ans d’expérience professionnelle dans le monde culturel – ceci au niveau international. Elle se positionne comme médiatrice culturelle entre les traditions russes et européennes ; le titre de sa chronique, "L'accent russe", capture cette essence – l’accent n’étant pas une barrière linguistique, ni un positionnement politique mais une empreinte culturelle distinctive dans le contexte européen.

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