RAYON LIVRES

Iouri TCHIRKOV: "C’était ainsi…". Editions des Syrtes, 2009. Traduit du russe par Luba Jurgenson

Iouri Tchirkov (1919-1988) est envoyé aux Solovki en 1935 et sera libéré en 1943 avec l’interdiction de quitter la région. En 1951, il retournera en prison pour être réhabilité en 1955. Autodidacte, il deviendra ingénieur en météorologie, métier qu’il exercera jusqu’à la fin de sa vie.


Iouri Tchirkov nous livre son expérience, celle d’un adolescent de quinze ans, condamné sur dénonciation pour activité contre-révolutionnaire, et envoyé aux Solovki en 1935. L’homme qu’il est devenu, au seuil de la mort – il n’aura pas le temps d’achever son entreprise, sa femme s’en acquittera -, se remémore les premières années de sa vie plongée dans l’enfer des camps de concentration. Ce travail de mémoire se veut une reconstitution factuelle minutieuse, guidée par une exigence de précision et d’exactitude. Il écarte d’emblée toute manifestation émotionnelle, toute tentative d’introspection et de questionnement, pour se concentrer sur la seule transcription du réel.

Ce récit très dense ne se veut rien d’autre qu’une chronique fidèle d’une vie vécue. Comment un enfant parvient-il à survivre et à se construire dans un monde où ni homme ni Dieu ne semble pouvoir exister. Telle est la question non formulée de ce témoignage qui rejoint le récit initiatique. En recomposant les faits et gestes de cette expérience tragique, l’auteur donne à voir son cheminement intérieur qui le rend homme envers et contre tout. La soif de découvrir et de comprendre, l’amour de la littérature, le souci des autres le préservent d’une mort à laquelle il n’aurait pas dû échapper. Ni rage, ni révolte, ni désespoir, mais un regard nu, imperturbable, sur ce qui a eu lieu, l’impassibilité du scientifique et la clairvoyance de l’humaniste. «C’était ainsi…»

Le récit autobiographique de Iouri Tchirkov est un témoignage essentiel sur les îles Solovki, foyer de l’orthodoxie russe depuis le XVème siècle, puis symbole du système concentrationnaire, préfigurant l’«archipel» du Goulag.

A propos de l’auteur

Nadia Sikorsky

Nadia Sikorsky a grandi à Moscou où elle a obtenu un master de journalisme et un doctorat en histoire à l’Université d’État de Moscou. Après 13 ans passés au sein de l’Unesco, à Paris puis à Genève, et avoir exercé les fonctions de directrice de la communication à la Croix-Verte internationale fondée par Mikhaïl Gorbatchev, elle développe NashaGazeta.ch, premier quotidien russophone en ligne, lancé en 2007.

En 2022, elle s’est trouvée parmi celles et ceux qui, selon la rédaction du Temps, ont « sensiblement contribué au succès de la Suisse romande », figurant donc parmi les faiseurs d’opinion et leaders économiques, politiques, scientifiques et culturels : le Forum des 100.

Après 18 ans en charge de NashaGazeta.ch, Nadia Sikorsky a décidé de revenir à ses sources et de se concentrer sur ce qui la passionne vraiment : la culture dans toute sa diversité. Cette décision a pris la forme de ce blog culturel trilingue (russe, anglais, français) né au cœur de l’Europe – en Suisse, donc, son pays d’adoption, le pays qui se distingue par son multiculturalisme et son multilinguisme.

Nadia Sikorsky ne se présente pas comme une "voix russe", mais comme une voix d’Européenne d'origine russe (plus de 35 ans en Europe, passés 25 ans en Suisse) au bénéfice de plus de 30 ans d’expérience professionnelle dans le monde culturel – ceci au niveau international. Elle se positionne comme médiatrice culturelle entre les traditions russes et européennes ; le titre de sa chronique, "L'accent russe", capture cette essence – l’accent n’étant pas une barrière linguistique, ni un positionnement politique mais une empreinte culturelle distinctive dans le contexte européen.

L'AFFICHE