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Irina Golovkina : Les Vaincus. Traduit du russe par Xenia Yagello. Éditions des Syrtes, 2012.

"Les Vaincus" est le roman d’une tragédie: celle de la Russie après 1917 et l’avènement de la dictature bolchevique. Conçu comme une grande fresque pétersbourgeoise de 1914 à 1937, il répond à la question que pose Irène Némirovsky dans sa "Suite française": qu’advient-il de nous lorsque nous basculons dans le camp des vaincus?

Le livre suit les destins entrelacés de nobles, intellectuels, ouvriers, qui tentent de survivre dans la nouvelle réalité politique du pays: poursuivis par le GPU, exilés, persécutés, exécutés.

Les femmes de la famille Bologovski occupent le centre du roman. Autour d’elles se tissent les destins de personnages happés par le rouleau compresseur soviétique. Oleg Dachkov, ancien officier de la Garde s’installe sous un faux nom à Leningrad pour échapper à la répression. Accueilli par sa belle-sœur, il fera la connaissance d’Assia Bologovski, jeune fille idéaliste, passionnée de musique, qu’il épousera. Une autre femme aime Oleg en secret : Ioulia, une infirmière qui l’a soigné d’une grave blessure… Le lecteur les suit dans leur quotidien harassant : la vente de maigres biens pour survivre, l’assignation à résidence, les prisons, les camps staliniens.

La dimension autobiographique est très importante dans Les Vaincus. Irina Golovkina affirmait que tout ce qu’elle avait écrit provenait de faits réels. Dans le portrait de Iolotchka, l’auteur a mis beaucoup de son dévouement d’infirmière pendant le blocus de Leningrad. De nombreux membres de sa famille avaient été expulsés de la ville; Irina Golovkina les accueillait en cachette dans son appartement communautaire, comme Nina dans le roman.

Irina Golovkina a su ériger, dans une langue sobre et élégante, l’expérience de toute une génération en une œuvre littéraire d’une terrible intensité et d’une grande richesse thématique – amour, haine, héroïsme, désespoir, jalousie, injustice, religion, politique –, qui l’apparentent à la meilleure tradition littéraire russe.



Irina Golovkina (1904-1989) est la petite-fille de Nikolaï Rimski-Korsakov. Elle a fait des études d’art et de linguistique qu’elle n’a pas pu achever et travailla comme technicienne en radiographie – poste qu’elle dut abandonner également.

La genèse des Vaincus remonte aux années 1960. Diffusé en samizdat, l’auteur réussit en 1973 à mettre un exemplaire à l’abri à la Bibliothèque nationale pour une publication après sa mort. Le roman est paru pour la première fois en 1992 dans la revue Le Contemporain, puis imprimé dans une version abrégée, en 1993. Il a été réimprimé à plusieurs reprises et connaît un énorme succès en Russie.

About the author

Nadia Sikorsky

Nadia Sikorsky grew up in Moscow where she obtained a master's degree in journalism and a doctorate in history from Moscow State University. After 13 years at UNESCO, in Paris and then in Geneva, and having served as director of communications at Green Cross International founded by Mikhail Gorbachev, she developed NashaGazeta.ch, the first online Russian-language daily newspaper, launched in 2007.

In 2022, she found herself among those who, according to Le Temps editorial board, "significantly contributed to the success of French-speaking Switzerland," thus appearing among opinion makers and economic, political, scientific and cultural leaders: the Forum of 100.

After 18 years leading NashaGazeta.ch, Nadia Sikorsky decided to return to her roots and focus on what truly fascinates her: culture in all its diversity. This decision took the form of this trilingual cultural blog (Russian, English, French) born in the heart of Europe – in Switzerland, her adopted country, the country distinguished by its multiculturalism and multilingualism.

Nadia Sikorsky does not present herself as a "Russian voice," but as the voice of a European of Russian origin (more than 35 years in Europe, 25 years spent in Switzerland) with the benefit of more than 30 years of professional experience in the cultural world at the international level. She positions herself as a cultural mediator between Russian and European traditions; the title of the blog, "The Russian Accent," captures this essence – the accent being not a linguistic barrier, not a political position but a distinctive cultural imprint in the European context.

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