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Sofia Tolstoï : Ma vie, Autobiorgaphie - Inédit. Traduit du russe par Luba Jurgenson et Maria Luisa Bonaque. Editions des Syrtes, 2010

Commencée du vivant de Tolstoï mais jamais achevée, l’imposante autobiographie de Sofia Tolstoï, Ma vie, est l’ouvrage le plus important pour l’étude de l’œuvre de Léon Tolstoï et pour la compréhension de l’homme.

Conservé dans les archives du Musée Tolstoï de Moscou, le manuscrit est resté jusqu’à aujourd’hui totalement inédit : le jugeant extrêmement personnel, la famille s’était toujours opposée à sa publication.

C’est un matériau extraordinaire, rédigé à partir des journaux intimes de Sofia Tolstoï, commencés dès l’adolescence, et de ceux de Léon Tolstoï. Des extraits de la correspondance qu’elle a entretenue avec son mari, sa sœur Tania Kouzminski, ses enfants ou ses amis complètent ces souvenirs.

«Je tenterai d’être sincère et authentique jusqu’au bout. Toute vie est intéressante et la mienne attirera peut-être un jour l’attention de ceux qui voudront en savoir plus sur la femme que Dieu et le destin avaient placée à côté de l’existence du génial et complexe comte Léon Nikolaïevitch Tolstoï», dit-elle dans son introduction.
   
Le besoin de Sofia Tolstoï de se confier à elle-même était fondamental : elle se sentait seule et incomprise de son mari et de son entourage. Loin de suivre un récit linéaire, le lecteur est plongé dans les contradictions de cette femme de talent, rongée parfois par l’orgueil et la jalousie ou le pouvoir qu’elle pouvait exercer sur les autres. On découvre une femme parfois écrasée par le génie de son mari, terrée dans une frustration permanente, éternellement occupée par les soucis quotidiens. Sofia Tolstoï se révèle souvent très juste, mère et compagne attentive. Il y a dans Ma vie des pages lumineuses sur la maternité, sur la poésie ou la nature, des moments déchirants à la perte de ses enfants. Elle avait également un énorme besoin d’amour romantique que Tolstoï était incapable de lui offrir. Et même s’il se dégage de ces pages beaucoup d’incompréhensions réciproques, on y devine, malgré tout, un amour profond.

On suit, pas à pas, outre sa propre vie et celle de ses enfants, le cheminement intellectuel de Léon Tolstoï. Il en ressort un portrait, certes subjectif, de l’écrivain dans toute sa complexité : vivant, familier, mais aussi modèle impossible, reniant ses œuvres de maturité qui avaient pourtant fait sa renommée. Instable, versatile, déchiré par ses contradictions, passant d’une extrémité à l’autre, tout chez lui est en perpétuel affrontement.

Sofia Tolstoï est le premier témoin de la genèse des œuvres de Tolstoï : elle les transcrit, les corrige – elle « participe » aux œuvres de son mari. À partir de 1885, elle s’occupe de la publication des œuvres complètes de Tolstoï, tâche dont elle s’acquitta avec dévouement pendant de longues années.

Le style de Sofia Tolstoï est sans affectation ni prétention : avec la distance que lui confère le temps, elle relate et revient parfois sur ses propres jugements : « L’absence de préméditation fait que tout est ici véridique et sincère », déclare-t-elle en 1901.

Ma vie est un document humain, touchant de sincérité, celui d’une belle figure féminine dévouée au génie absolu de son mari, d’une franchise allant parfois jusqu’à la cruauté. C’est pourquoi il ne projette pas seulement une lumière nouvelle sur la vie intime d’un écrivain célèbre. C’est aussi un témoignage sur une époque, une société, un mode de vie où la femme ne peut devenir elle-même, ni développer ses dons intellectuels ou artistiques ; où même la communication avec l’être aimé lui reste interdite.

Cette publication totalement inédite sera accompagnée de notes biographiques concernant les principaux personnages évoqués ainsi que d’un cahier-photo provenant du Musée Tolstoï de Moscou. Il s’agit de photos prises par Sofia Tolstoï, choisies dans une collection d’environ mille pièces, inédites en France.





Sofia TOLSTOÏ (1844-1919) a épousé Léon Tolstoï le 23 septembre 1862, à dix-huit ans, alors que lui en a trente-deux. Il était alors en pleine gloire, de leur union naîtront treize enfants dont neuf survivront.

Dès leurs premières années de mariage, Sofia Tolstoï devient la plus proche collaboratrice de son mari : secrétaire, dactylographe ou copiste de ses œuvres. Plus tard, ces tâches seront accomplies par les filles du couple.

À partir de 1879, Tolstoï se consacre de plus en plus à ses écrits philosophiques et religieux, prône un nouveau mode de vie, difficilement compatible avec sa vie de famille. Une pénible relation s’installe alors dans leur couple, qui durera jusqu’à la fin de leur vie.

Dévouée à son mari et à sa famille, c’est elle qui plaidera la cause de Tolstoï auprès du tsar lorsque celui-ci fut excommunié ou que ses œuvres furent censurées.

Après la révolution d’Octobre, elle demeure dans le domaine de Iasnaïa Poliana nationalisé, essayant de sauver les livres et les manuscrits de Tolstoï. Atteinte d’une pneumonie, elle meurt le 4 novembre 1919.

Sofia Tolstoï est l’auteure de deux nouvelles et d’un imposant journal intime.


En librairie le 7 octobre 2010

Code SODIS 97 57 105
Environ 1100 pages / 45€

About the author

Nadia Sikorsky

Nadia Sikorsky grew up in Moscow where she obtained a master's degree in journalism and a doctorate in history from Moscow State University. After 13 years at UNESCO, in Paris and then in Geneva, and having served as director of communications at Green Cross International founded by Mikhail Gorbachev, she developed NashaGazeta.ch, the first online Russian-language daily newspaper, launched in 2007.

In 2022, she found herself among those who, according to Le Temps editorial board, "significantly contributed to the success of French-speaking Switzerland," thus appearing among opinion makers and economic, political, scientific and cultural leaders: the Forum of 100.

After 18 years leading NashaGazeta.ch, Nadia Sikorsky decided to return to her roots and focus on what truly fascinates her: culture in all its diversity. This decision took the form of this trilingual cultural blog (Russian, English, French) born in the heart of Europe – in Switzerland, her adopted country, the country distinguished by its multiculturalism and multilingualism.

Nadia Sikorsky does not present herself as a "Russian voice," but as the voice of a European of Russian origin (more than 35 years in Europe, 25 years spent in Switzerland) with the benefit of more than 30 years of professional experience in the cultural world at the international level. She positions herself as a cultural mediator between Russian and European traditions; the title of the blog, "The Russian Accent," captures this essence – the accent being not a linguistic barrier, not a political position but a distinctive cultural imprint in the European context.

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