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Javier Cercas: Terra Alta. Editions Actes Sud, 2021

Traduit de l’espagnol par Aleksandar Grujičić et Karine Louesdon

Sur les terres catalanes qui ont accueilli la bataille de L’Èbre, la commune de Terra Alta, paisible enclave de la province de Tarragone, où les “délits” se concentrent d’ordinaire autour de la coopérative viticole, est secouée par un fait divers sanglant et absolument spectaculaire : les époux Adell, nonagénaires propriétaires de la plus importante entreprise de la région, ont été impitoyablement massacrés, les corps déchiquetés sont méconnaissables. Parmi les policiers qui se rendent sur place figure Melchior, un homme d’une trentaine d’années qui s’est illustré par un comportement héroïque en abattant quatre jihadistes pendant les attentats de Barcelone et Cambrils. Il s’est “enterré” ici, quatre ans plus tôt, le temps de se faire oublier par les terroristes et mène une vie heureuse aux côtés de sa femme et de sa petite fille. À mesure que l’enquête piétine : aucune trace d’effraction, aucun indice probant, aucune raison pour que des voleurs infligent de telles souffrances à des vieillards, l’énigme première (habituelle dans les romans de Cercas) – ici : qui est l’assassin ? – se double d’une énigme plus profonde et plus troublante : qui est le protagoniste ? Le passé de Melchior prend peu à peu le pas sur le récit et les deux histoires avancent de concert. Fils d’une prostituée et d’un père inconnu, Melchior était prédestiné à passer du mauvais côté de la loi. Après une enfance difficile dans les mauvais quartiers (délinquance, drogue, alcool), il tombe entre les griffes des narcos colombiens, ce qui le conduira tout droit en prison.

Alors qu’il se croit perdu par la rage et par sa haine du monde, la lecture fortuite des Misérables de Victor Hugo, qu’un codétenu lui met entre les mains, vient exorciser ses démons et lui sauver la vie. Il est à la fois un Jean Valjean qui ne connaît que le mal mais parvient à se racheter une conduite, et le commissaire Javert, obsédé par une justice aveugle, mais qui saura le moment venu que “la justice absolue peut être la plus absolue des injustices”.

Grâce à ce livre, Melchior trouve sa voie : il sera policier. À Terra Alta, après six semaines d’une enquête intensive qui mobilise une quarantaine d’agents, l’affaire est classée sans suite au grand dam de Melchior qui s’érige alors en justicier psychotique prêt à tout pour faire éclater la vérité. Il paiera cet acharnement par l’assassinat de sa femme et c’est en homme détruit qui, quoi qu’il lui en coûte, ira au terme de cette quête et devra à nouveau trouver sa place sur la terre.

Javier Cercas est né en 1962 à Cáceres. Ses romans, traduits dans une trentaine de langues, ont tous connu un large succès international et lui ont valu de nombreux prix. Toute son oeuvre est parue chez Actes Sud.

Notre critique de "Terra Alta" à lire ici

About the author

Nadia Sikorsky

Nadia Sikorsky grew up in Moscow where she obtained a master's degree in journalism and a doctorate in history from Moscow State University. After 13 years at UNESCO, in Paris and then in Geneva, and having served as director of communications at Green Cross International founded by Mikhail Gorbachev, she developed NashaGazeta.ch, the first online Russian-language daily newspaper, launched in 2007.

In 2022, she found herself among those who, according to Le Temps editorial board, "significantly contributed to the success of French-speaking Switzerland," thus appearing among opinion makers and economic, political, scientific and cultural leaders: the Forum of 100.

After 18 years leading NashaGazeta.ch, Nadia Sikorsky decided to return to her roots and focus on what truly fascinates her: culture in all its diversity. This decision took the form of this trilingual cultural blog (Russian, English, French) born in the heart of Europe – in Switzerland, her adopted country, the country distinguished by its multiculturalism and multilingualism.

Nadia Sikorsky does not present herself as a "Russian voice," but as the voice of a European of Russian origin (more than 35 years in Europe, 25 years spent in Switzerland) with the benefit of more than 30 years of professional experience in the cultural world at the international level. She positions herself as a cultural mediator between Russian and European traditions; the title of the blog, "The Russian Accent," captures this essence – the accent being not a linguistic barrier, not a political position but a distinctive cultural imprint in the European context.

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