RAYON LIVRES

Alain Blum et Emilia Kustova: "Déportés pour l'éternité". Survicre à l'exil stalinien, 1939-1991". Editions EHESS, 2024


Alain Blum et Emilia Koustova saisissent ici une part essentielle mais mal connue de l’histoire soviétique, en s’intéressant à sa dimension impériale et impérialiste, telle qu’elle se manifesta lors de l’annexion de la Lituanie et de l’Ukraine occidentale. En racontant le cheminement des centaines de milliers de déplacés, leur survie en déportation et leurs interactions avec le monde soviétique, ils font découvrir des dynamiques historiques dont les échos se font encore entendre aujourd’hui, à la croisée des histoires de l’exil, de la violence politique et de la construction de l’espace impérial russe.

« Comme un lièvre effarouché » : ce sont les mots qu’un habitant d’un village ukrainien couche sur un papier intercepté par les autorités soviétiques en 1949. En Ukraine occidentale et en Lituanie, comme partout dans les territoires est-européens devenus soviétiques en 1939-1940, puis à partir de 1944-1945, la peur d’être condamné à l’exil rôde depuis leur annexion et ne s’estompera qu’à la mort de Staline. Le bilan sera lourd.

Mêlant histoire par le haut et par le bas, Alain Blum et Emilia Koustova explorent les mécanismes répressifs des déportations de masse et les trajectoires des victimes. Leur vécu oriente l’enquête, leur parole, longtemps ignorée, en est le cœur. Des centaines de lettres découvertes dans les archives et d’entretiens menés auprès des derniers témoins racontent la violence de l’arrachement, les épreuves imposées par la survie dans les confins glacés de la mer des Laptev, la taïga sibérienne et les steppes d’Asie centrale, puis un long, parfois impossible, retour vers les terres d’origine. Ces voix entretiennent une mémoire qui, encore aujourd’hui, imprègne les sociétés post soviétiques, et éclaire peut-être notre présent.

A propos de l’auteur

Nadia Sikorsky

Nadia Sikorsky a grandi à Moscou où elle a obtenu un master de journalisme et un doctorat en histoire à l’Université d’État de Moscou. Après 13 ans passés au sein de l’Unesco, à Paris puis à Genève, et avoir exercé les fonctions de directrice de la communication à la Croix-Verte internationale fondée par Mikhaïl Gorbatchev, elle développe NashaGazeta.ch, premier quotidien russophone en ligne, lancé en 2007.

En 2022, elle s’est trouvée parmi celles et ceux qui, selon la rédaction du Temps, ont « sensiblement contribué au succès de la Suisse romande », figurant donc parmi les faiseurs d’opinion et leaders économiques, politiques, scientifiques et culturels : le Forum des 100.

Après 18 ans en charge de NashaGazeta.ch, Nadia Sikorsky a décidé de revenir à ses sources et de se concentrer sur ce qui la passionne vraiment : la culture dans toute sa diversité. Cette décision a pris la forme de ce blog culturel trilingue (russe, anglais, français) né au cœur de l’Europe – en Suisse, donc, son pays d’adoption, le pays qui se distingue par son multiculturalisme et son multilinguisme.

Nadia Sikorsky ne se présente pas comme une "voix russe", mais comme une voix d’Européenne d'origine russe (plus de 35 ans en Europe, passés 25 ans en Suisse) au bénéfice de plus de 30 ans d’expérience professionnelle dans le monde culturel – ceci au niveau international. Elle se positionne comme médiatrice culturelle entre les traditions russes et européennes ; le titre de sa chronique, "L'accent russe", capture cette essence – l’accent n’étant pas une barrière linguistique, ni un positionnement politique mais une empreinte culturelle distinctive dans le contexte européen.

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