Friedrich Dürrenmatt s’en va à l’Est

19.05.2021
F. Dürrenmatt, Illustration à la ballade "Le Minotaure", Дюрренматт Ф. Иллюстрация I к балладе «Минотавр». 1984 г. © CDN / Schweizerische Eidgenossenschaft

Dans la littérature russe on distingue deux périodes majeures : l’Âge d’or (celui du XIXe siècle, couvrant  à peu près l’œuvre  de Pouchkine à Tchekhov) et l’Âge d’argent – plus court, concernant surtout la poésie du premier tiers du XXe : Goumilev, Akhmatova, Tsvetaïeva, Mandelstam, Blok et tant d’autres… Étonnement, en Russie, alors qu’il y tant de « maisons-musées » vouées à divers écrivains, il n’y a pas de musée de la littérature de l’Âge d’argent, une  des filiales du « grand » Musée d’État de la littérature. Il se trouve à Moscou, dans une belle villa couleur turquoise où, en 1910-1924, habitait, au premier étage, un grand poète de l’époque Valeri Brioussov, son roman "L'Ange de feu" est paru recemment chez Les Editions Noir sur Blanc. (Drôle de coïncidence : l’idée de créer le Musée de la littérature en Russie – inauguré en 1933 – est venue à l’esprit du camarade et, de facto, secrétaire particulier de Lénine, Vladimir Bonch-Brouëvitch pendant son exil à Genève, en 1903.)

C’est donc dans ses murs que s’ouvre aujourd’hui une exposition, dont mon modeste journal Nasha Gazeta a l’honneur d’être un partenaire media. L’exposition, organisée conjointement par le Ministère de la culture russe, l’Ambassade suisse à Moscou, le Musée de la littérature et le Centre Dürrenmatt à Neuchâtel, est consacrée au centenaire de la naissance de Friedrich Dürrenmatt, alors que l’affiche mentionne deux noms – Dürrenmatt et Andreï Biely.

Nul besoin de présenter Dürrenmatt à mes lecteurs en Suisse. Le classique Suisse, cinq fois nominé au Prix Nobel de la littérature est également connu en Russie : ses œuvres ont été publiées en cinq volumes, sans compter les nombreuses parutions éparpillées. La plus connue de ses pièces, La Visite de la vieille dame, occupe la scène russe depuis bientôt 60 ans – la première mise-en-scène vit le jour dans un théâtre moscovite en 1965 et la plus récente se joue actuellement à Omsk, en Sibérie.

D’après mes renseignements, Dürrenmatt est allé en Union soviétique à trois reprises : en 1964 (il y a rencontré Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir), en 1967 (en tant qu’invité au Congrès des écrivains soviétiques ; on présume que sa pièce « La Chute d’A » s’inspire de ses impressions lors de cette visite et du limogeage de Nikita Khrouchtchev) et en 1987 (cette fois sur l’invitation de Mikhaïl Gorbatchev). Une année après cette dernière visite deux de ses pièces – La Visite de la vieille dame et Les Physiciens – ont été adaptées par la Télévision Russe. On sait également, qu’en 1990, dix jours seulement avant sa mort, Dürrenmatt a prononcé, à Berlin, une laudatio du Président Gorbatchev, dont il admirait vivement les idées de perestroïka.

A. Biely. Une palette des couleurs dans la poésie de Alexandre Blok, 1923 (Collection du Musée d'état de la littérature, Moscou)

Un grand poète et écrivain russe, Andreï Biely, théoricien du symbolisme littéraire russe est peut-être moins connu en Suisse bien que son influence sur la langue russe moderne soit comparable à celle de James Joyce sur l’anglais ou celle de Goethe sur l’allemand. Est-ce là la raison pour laquelle l’éditeur Vladimir Dimitrievic, à qui j’ai déjà rendu hommage  a choisi le roman de Biely « Pétersbourg » pour lancer sa collection « Slavica », en 1967 ? Ce chef-d’œuvre écrit en 1913 était alors totalement inconnu du lecteur francophone. Je peux ajouter aussi qu’Andreï Biely a eu son « épisode suisse » : adepte de l’anthroposophie de Rudolf Steiner, il s’installa, en 1914 – à Dornach, avec sa compagne. Là il participa activement à la construction du Johannes Bau dénommé ultérieurement Goetheanum. Il y a presque dix ans j’avais interviewé, à Genève, Madame Valentina Rykova, qui avait connu Andreï Biely  et qui a remises archives au musée de Biely à Moscou. Au moment de notre rencontre Mme Rykova était âgée de 98 ans.  Aurais-je dû intituler cette interview « La visite à la vielle dame » au risque de déplaire à Valentina ?

Voilà donc que nos deux auteurs, qui ne se connaissaient pas, se retrouvent réunis dans le cadre d’une exposition en tant que peintres. Oui, les deux partageaient cette même passion.  Si les peintures de Dürrenmatt ont été présentées en Suisse à plusieurs reprises, il n’en va pas de même en Russie et cela sera une découverte, comme d’ailleurs la peinture de Biely.

Mikhaïl Shaposhnikov, commissaire de l’exposition, a comparé leurs dessins à des méditations peintes, à des songes comme saisis dans les images. Il y a quelque chose…

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Об авторе

Надежда Сикорская

Надежда Сикорская выросла в Москве, где училась на факультете журналистики МГУ и получила степень кандидата наук по истории. После 13 лет работы в ЮНЕСКО в Париже, а затем в Женеве и опыта в должности директора по коммуникациям в организации Международный Зелёный Крест, основанной Михаилом Горбачёвым, она основала NashaGazeta.ch – первую ежедневную русскоязычную ежедневную онлайн-газету в Швейцарии, запущенную в 2007 году.

В 2022 году Надежда Сикорская оказалась среди тех, кто, по мнению редакции Le Temps, «внёс значительный вклад в успех франкоязычной Швейцарии», войдя таким образом в число лидеров общественного мнения, а также экономических, политических, научных и культурных лидеров: Форум 100.

После 18 лет руководства NashaGazeta.ch Надежда Сикорская решила вернуться к своим истокам и сосредоточиться на том, что её действительно увлекает: к культуре во всём её многообразии. Это решение приняло форму трёхязычного культурного блога (русский, английский, французский), родившегося в сердце Европы – в Швейцарии, её приёмной стране, стране, которая отличается своей мультикультурностью и многоязычием.

Надежда Сикорская позиционирует себя не как «русский голос», а как голос европейки русского происхождения (более 35 лет в Европе, из них 25 – в Швейцарии), имеющей более 30 лет профессионального опыта в сфере культуры на международном уровне. Она позиционирует себя как культурного посредника между русскими и европейскими традициями; название её блога «Русский акцент» отражает эту суть – акцент является не языковым барьером, не политической позицией, но отличительным культурным отпечатком в европейском контексте.

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